Le dernier Dodo est mort en 1681.
Et moi je suis toujours vivant.
Raphus Cucullatus vivait autrefois sur l’île Maurice…
Et moi je suis né en Vendée, dans un monde de paysans parlant patois. Mon voisin s’appelait Maurice…
Du fait de l’absence de prédateurs, il avait perdu son aptitude au vol. Incroyablement maladroit dans ses mouvements – on lui a d’ailleurs donné ce nom de « dodo » en raison de sa stupidité et de sa maladresse -, le Dodo était une proie facile. Il fut chassé sans pitié par les premiers colons, même si sa chair était coriace et sans saveur.
Je suis gentil et plein d’empathie. Je fais des spectacles naïfs avec des histoires. Avec mes poètes des bords de chemin, mon fond de campagne, je me sens parfois comme un Dodo qui blerke devant un Hollandais…
Le Dodo met en scène deux personnages, deux tentations opposées : Japiaud, le conteur patoisant, qui continue de raconter les mêmes histoires feignant de ne pas voir que son île a disparu ; Joslin qui lui aussi est né ici, mais refusant de couler avec son île, il l’a laissée derrière lui comme un fardeau pour aller de l’avant. Deux manières de raconter des histoires, ou plutôt la même histoire : celle du Dodo. Sa disparition va mettre les deux conteurs face aux dérives de leurs paroles (s’échouant tantôt dans la plainte ou le discours militant), pour enfin se demander : comment et pourquoi raconter des histoires ?
Entretien avec Julie Portier
Julie Portier est critique d’art. Elle a grandi dans le bocage normand, vit à Rennes et s’immisce dans les vernissages parisiens. Sa rencontre avec Yannick Jaulin en 2005 est le fruit du hasard. En plus du bon vin, ils ont découvert leur goût partagé pour le bon mot. C’est peut-être une sensibilité commune à l’égard du genre humain, et la douce ironie qu’elle leur inspire les a rapprochés autour du Dodo. Ainsi, c’est sans hésitation qu’elle a accepté de l’assister dans l’écriture.